LE BILLET DE SCIENCE

Parmi les virus qui circulent chez les animaux, quels sont ceux qui sont le plus susceptibles de s’adapter à l’humain, et donc de provoquer de nouvelles épidémies ? Des chercheurs anglais publient une étude très prometteuse.

Une équipe a entraîné une intelligence artificielle à comparer les génomes de centaines de virus. Surprise : ce sont les virus de nos cousins les primates qui sont potentiellement les plus dangereux. Et non ceux qui touchent les chauve-souris et autres petits mammifères… Des précisions sur ces recherches avec Mathilde Fontez, rédactrice en chef d’Epsiloon.

Aujourd’hui, vous nous parlez d’une intelligence artificielle, un programme informatique, capable de prédire l’émergence de virus…

Mathilde Fontez : Oui. C’est une étude très prometteuse : des chercheurs anglais sont parvenus à entraîner une intelligence artificielle à évaluer le risque qu’un virus animal s’adapte à l’organisme humain. Alors les intelligences artificielles, vous savez, ce sont ces programmes informatiques auxquels on fournit des données et qui apprennent seuls, progressivement, à reconnaître des motifs.

Cette équipe a commencé par rassembler 758 génomes de virus qui infectent les animaux. Ce sont des virus qui ont été collectés dans l’environnement et séquencés par d’autres équipes. Pour 645 d’entre eux, on ignorait totalement le caractère infectieux chez l’humain.

Et l’intelligence artificielle a appris à l’évaluer ?

Elle a réussi oui. Les chercheurs ont validé cet apprentissage, tout simplement avec le SARS-cov-2, le virus responsable du Covid-19. L’intelligence artificielle a bien conclut qu’il avait une très forte probabilité de s’adapter à l’humain. Or on sait bien que c’est ce qui s’est passé.

Et elle a détecté d’autres virus avec le même niveau de risque ?

Oui : l’Alphacoronavirus 1 et le Sorex araneus coronavirus T14 : ce sont des coronavirus aussi donc, qui infectent les chats, les chiens, les cochons et les musaraignes. Et juste au moment où les chercheurs publiaient leurs conclusions, une étude annonçait d’ailleurs qu’un patient souffrant d’une pneumonie était infecté par un variant de cet Alphacoronavirus 1.

L’intelligence artificielle a aussi pointé un risque fort de transmission à l’humain pour un papillomavirus animal, un petit virus qui infectent généralement la peau et les organes sexuels. On connaît déjà ce type de virus chez l’humain : ils sont responsables du cancer du col de l’utérus. Tous les virus analysés ont été classé par niveau de risque, de faible potentiel de transmission à l’humain, à très haut potentiel. Et cela permet de commencer à dégager des tendances générales qui pourraient orienter les stratégies de surveillance de ces virus animaux.

La principale conclusion pour l’instant est une surprise : l’intelligence artificielle trouve que ce sont les virus des primates qui ont globalement plus de risques de s’adapter à l’humain. Cela pourrait paraître évident, puisque notre organisme est proche de celui de ces animaux. Mais cela n’avait jamais été montré. Les chercheurs préconisent donc de renforcer la surveillance des virus chez les primates, plutôt que de se focaliser sur les chauves-souris ou les oiseaux.

Source : France Info